"Anniversaires du monde" dans le récit bref de science-fiction et d'anticipation

Responsables scientifiques : Yves Iehl et Jean Nimis.


Axe 1 : Discours et croisement artistiques « Fictions de mondes possibles ».


Présentation

 
Le séminaire interdisciplinaire « Fictions de mondes possibles » a depuis trois ans entrepris d’explorer la variété des représentations du monde qu’offre le récit bref de science-fiction et d’anticipation au sein d’aires linguistiques diverses (allemande, anglophone, espagnole, française, italienne, polonaise, russe,…). Cette exploration a pour but de mettre en valeur comment, à certaines périodes historiques, ces récits sont porteurs des regards des contemporains sur un monde en crise, à partir d’épisodes saillants ayant marqué le XXe siècle et le début du XXIe siècle (guerres « chaudes » et « froides », tournants technologiques et sociopolitiques). On peut observer ainsi des convergences entre des œuvres appartenant à différentes aires linguistiques, qu’il s’agisse de formes brèves littéraires ou d’épisodes de séries télévisuelles. Ces croisements de points de vue permettent notamment de voir comment se mettent en place les représentations décalées – « étrangéifiées » – de phénomènes de changements de paradigme (linguistique, stylistique, philosophique, social, politique, technologique ou biologique). La narration de ces phénomènes, par son inventivité même (dans une palette qui va du comique au tragique en passant par le poétique), s’avère être un miroir, parfois paradoxal, de l’Histoire. Ainsi, dans beaucoup de récits de science-fiction, la thématique de l’altérité apparaît clairement dessinée : du désormais classique « double » au clone et au cyborg, à l’alien et à l’aliénation, jusqu’aux affinités avec le concept du « soi-même comme un autre » (Ricœur). L’histoire humaine se trouve ainsi redessinée dans des voisinages inédits, des « terres étrangères » ou des temporalités insolites, qui reflètent les clivages et les conflits politicohistoriques de notre monde, sous des formes dystopiques, utopiques ou uchroniques. Le XXe siècle a ainsi inspiré nombre de fictions qui permettent de voir sous d’autres angles les territoires, les temporalités, et jusqu’aux existences des êtres. Pour ne donner que quelques jalons d’un territoire plus ample, ces perspectives ont été observables en littérature dans des recueils comme Chroniques martiennes (1950) de Bradbury, Voisins d’ailleurs (1953-1980) de Simak, La Cybériade (1965) de Lem ou Le Vent venu du soleil de Clarke (1972). Et après avoir traversé les « réalités déviantes » de Philip K. Dick, elles ont adopté des tonalités nouvelles avec Radieux d’Egan (1998), L’anniversaire du monde de Le Guin (2002), Le Haut-Lieu de Lehman (2008) ou Aucun souvenir assez solide de Damasio (2012). On pourrait en dire autant des séries télévisées, de Docteur Who (1963) à Fringe (2008), Black Mirror (2011) ou Westworld (2016).

En 2017-2018, le séminaire se propose donc de poursuivre et d’approfondir cette démarche d’exploration. Le travail d’analyse portera notamment sur la stylistique de la distanciation (« étrangéification », « estrangement », « straniamento », « ostranienie » et autres termes spécifiques aux diverses aires linguistiques) qu’offrent les récits en question. On s’intéressera par exemple, dans une perspective plus thématique, aux diverses facettes de l’altérité que présentent ces récits (espaces et temporalités inédites, figures de l’autre, ou innovations technologiques), en envisageant comment celles-ci interrogent le présent ou le passé ou des avenirs possibles de notre monde. D’autres questions politiques, philosophiques ou religieuses posées par l’identité en tant que telle pourront être prises en considération. Dans tous les cas, il s’agira d’observer comment la forme brève de science-fiction et d’anticipation (récit, court-métrage ou épisode de série TV) manifeste une vitalité particulière et comment elle réalise une reformulation des interrogations fondamentales (en croisant les perspectives de l’espoir utopique, de la critique dystopique ou de l’altérité uchronique). De telles perspectives, qui sont devenues de nos jours à peu près indissociables, esquissent souvent sur un mode prospectif une approche authentiquement contreculturelle du réel. Conformément à l’esprit de l’Institut IRPALL, le séminaire est ouvert principalement aux disciplines, équipes de recherche, enseignants, doctorants et étudiants de Langues, Lettres, Philosophie, Sociologie, Histoire, Cinéma.
 

Séances


17 novembre 2017, Maison de la recherche, salle E411, 10h - 12h.
 
Jean Nimis, Université de Toulouse Jean-Jaurès :
Une utopie transgressive de la Culture : L’essence de l’art (The State of the Art, 1991) de Iain M. Banks.

 
- 15 décembre 2017, Maison de la recherche, salle E411, 10h - 12h.
 
Yves Iehl, Université de Toulouse Jean-Jaurès :
Andreas Eschbach, Des milliards de tapis de cheveux (Der Haarteppichknüfper) 1995.

 
26 janvier 2018, Maison de la recherche, salle E411, 10h - 12h.
 
Fatima Seddaoui, Université Toulouse-Jean Jaurès :
L’éternel Adam, de Jules Verne : mythe, anticipation, utopie.
 
25 mai 2018, Maison de la recherche, salle E411, 10h - 12h.

 Marianne Vidal, Toulouse :
Darwin et la planète vicieuse.