Programme "Théâtre-Musique"

Responsables scientifiques : Frédéric Sounac et Muriel Plana.


La constatation suivante fut fondatrice des recherches engagées dans ce cadre : sur la scène contemporaine - tant théâtrale que musicale - s‘inventent de nouvelles relations entre la musique et le théâtre, difficiles à définir. 
Celles-ci n'ont rien de fusionnel et ne s'inscrivent pas véritablement dans les genres constitués que sont l'opéra ou la comédie musicale. 
On parle alors de « musicalité » de la mise en scène ou des textes, de « théâtralité » de la musique. Notre hypothèse de travail est que l'attirance réciproque entre théâtre et musique peut s'exprimer dans la pulsion ou déboucher sur une véritable modélisation. Dans le cadre de concerts de musique classique, populaire ou contemporaine, les musiciens font de plus en plus appel à des formes théâtrales (acteurs, danseurs, textes joués ou lus, mise en scène).
On peut penser, par exemple, à Votre Faust de Butor et Pousseur, à Un jour comme un autre de Vilko Globokar, à l'oeuvre de Georges Aperghis ou encore au récent spectacle de Michel Rostain d‘après Nancy Huston, La Désaccordée (Théâtre National de Toulouse, 2003).

On s'intéresse donc aux phénomènes très contemporains de la mise en scène de concerts: théâtralisation du récital pour piano, du récital vocal, du quatuor à cordes, du concert de jazz ou de musique contemporaine. 
Dans une perspective qui touche de plus près à l'analyse musicologique, nous menons également une réflexion sur la possibilité de parler d'une théâtralité de la musique elle-même, qu'elle soit vocale ou instrumentale, écrite ou non pour la scène (Kurt Weill, Igor Stravinsky, Serge Prokofiev, Dimitri Chostakovitch, John Cage, Maurice Ohana, Luciano Berio...). Au théâtre, la « musique de scène » a changé de fonction et de signification: le musicien devient comédien, dans les mises en scène de Jean-Louis Hourdin, par exemple, et l‘instrument s‘intègre au dispositif scénique de façon originale, comme dans certaines expériences de Meyerhold dès les années 20.
Celui-ci, après Craig et Appia, élargit le modèle musical à l'art de la mise en scène. 
Bertolt Brecht et Kurt Weill, de leur côté, vont jusqu'à théoriser et mettre en pratique une forme nouvelle, le théâtre musical, dont nous étudions les expressions contemporaines. On trouve enfin, chez Stanislavski, le désir d'un système de notation rigoureux pour définir le jeu de l'acteur, élevant la musique au statut de modèle. 
Nous nous efforçons également d'identifier la pulsion musicale ainsi exprimée à l'échelle de productions contemporaines précises (La Chambre d'Isabella de laNeedcompany, Woyzeck de Bob Wilson et celui de Jean-Louis Hourdin, Le Jugement dernier d'André Engel...) et d'oeuvres dramatiques (Bertolt Brecht, Jacques Rebotier, Enzo Cormann, Nancy Huston, Sergi Belbel...).
Ce programme s'est donc donné pour tâche de décrire, d'identifier, d‘explorer ces phénomènes, ainsi que d'en faire la généalogie en étudiant les précurseurs de telles démarches au XXe siècle (metteurs en scène, auteurs, musiciens) et en remontant éventuellement jusqu‘aux siècles précédents (modèle shakespearien, pantomimes du XIXe siècle…).